La réserve était probablement un des endroits que Maxence préférait dans le bar. La musique et l’agitation lui parvenait mais sans que ce ne soit trop assourdissant et un semblant de calme comme celui-là était toujours le bienvenue pendant la soirée. Il lui arrivait toujours à un moment ou un autre de venir se planquer par ici, prétextant partir à la recherche d’autres bouteilles qui seraient utiles. Cela ressemblait étrangement au seul moment de tranquillité qu’il pouvait avoir avant de faire face, une nouvelle fois, à la marée humaine qui allait et venait devant lui. Mais Maxence ne pouvait pas vraiment se plaindre. Au moins il faisait partie de ces personnes qui avaient un travail et qui ne trainait pas forcément des pieds pour y aller. D’accord ne pas avoir de patron et d’ordres  à recevoir de qui que ce soit l’aidait fortement dans cette vision des choses. Même s’il n’était pas tout seul, il avait quand même tout le loisir d’organiser ses journées un peu comme il le souhaitait et rien que pour cela il ne se voyait pas échanger de place. Il s’était habitué bien trop vite au sentiment de liberté qu’il avait ressenti en arrivant dans une grande ville comme New-York et après cinq ans il ne se voyait absolument pas faire marche arrière. Il avait voulu s’éloigner, essayer d’effacer les mauvais souvenirs qui restaient dans son esprit, tenter de calmer la colère qu’il gardait malgré lui contre ses parents. Il avait essayé de les comprendre, d’imaginer combien cela avait pu être difficile pour eux mais le jeune homme ne pouvait s’empêcher de garder une certaine rancune contre eux. Ils auraient au moins pu leur dire plus tôt. Lui dire la vérité. A lui. A sa sœur. Plutôt que de continuer à faire comme s’ils étaient une famille normale et à croiser les doigts pour que leurs enfants ne découvrent rien. Ce qui était inévitablement arrivé. Alors s’éloigner avait semblé être l’une des meilleures solutions. Pour essayer d’oublier un tel évènement et reprendre un rythme de vie normal ou presque. New-York était une grande ville, il était simple de se fondre dans la masse, de se faire oublier pour vivre sa vie de la manière dont on le voulait. Il était libre et dans le fond c’était surement ce qui lui plaisait le plus. Il évitait simplement de se poser trop de questions et se contentait de vivre au jour le jour, préférant ne pas penser à l’avenir et se dire qu’il avait encore largement le temps d’y penser. Le mensonge de ses parents lui avait au moins fait retenir une chose : tout pouvait arriver à n’importe quel moment et surtout à n’importe qui. Le son d’une voix qui l’appelait le fit sortir de ses pensées et il comprit que la pause venait de prendre fin. Il ferma la porte derrière lui et en seulement quelques secondes retrouva la musique, les rires et l’entrain habituel qui régnait dans un bar. Il repassa derrière le comptoir et retrouva sa place habituelle. Il esquissa un sourire en imaginant ce que ses parents pourraient dire s’ils le voyaient ainsi, eux qui avaient toujours mis de grand espoir dans le futur de leurs enfants. Espoir que Maxence avait réduit en cendre à partir du moment où il avait décidé d’arrêter ses études au beau milieu d’un semestre. Des années plus tard il aurait pu s’en mordre les doigts mais finalement il pensait ne pas s’en être trop mal sorti. Au moins il vivait comme il le voulait. Il releva finalement la tête et son regard se concentra sur l’entrée alors qu’une nouvelle venue faisait son apparition. De longs cheveux bruns, un visage familier et Maxence n’eut plus aucun doute. Il croisa le regard de Charlotte et se reconcentra sur son travail quand il l’a vit approcher. Elle était probablement la dernière qu’il s’était attendu à voir et en réalité il ne savait même pas vraiment s’il l’appréciait ou pas. Son égo blessé ne s’en était toujours pas remis. Mais il ne pouvait quand même pas l’ignorer délibérément. Le jeune homme releva  finalement les yeux, constatant que Charlotte n’était plus qu’à quelques mètres. « En voilà une surprise ! Je pensais pas te revoir par ici… A moins que tu te sois perdue ? » Il y avait certainement mieux comme accueil et Maxence le savait parfaitement, seulement sur l’instant il avait bien été incapable de trouver autre chose. « Qu’est-ce que je peux te servir pour te faire plaisir ? » Relevant les yeux, le jeune homme esquissa finalement un léger sourire. Peut-être qu’avec un peu de temps il arriverait à oublier la photo qu’il avait trouvé dans un magazine qui passait par là et l’idée aussi étrange que désagréable qui lui avait traversé l’esprit.