Malgré son éditeur de plus en plus insistant au fur et à mesure que les semaines s'écoulaient, Neal ne regrettait absolument plus d'avoir pris la décision de rentrer à New York. Il était rassuré de savoir sa fille aînée toute proche — ou, plutôt, de se savoir tout près d'elle — et il n'aurait, de toute manière, pas pu rester loin bien longtemps. Cette année à l'écart de l'agitation lui avait fait du bien, certes, mais il réalisait petit à petit l'ampleur du temps à rattraper. Des coups de fil, aussi longs eussent-ils pu être, ne valaient pas la présence physique et il était conscient que ses proches avaient tu certaines choses. Il ne leur en voulait pas. Après tout, à l'époque, il venait de perdre Lindsay et même si leur mariage battait de l'aile, il l'avait aimée tendrement. Se remettre de son décès avait pris du temps et sa famille avait respecté ce besoin. Mais il n'était plus en deuil aujourd'hui et ça, Dieu merci, les siens semblaient l'avoir compris. Evidemment, la présence de Billie dans sa vie aidait grandement les uns et les autres à comprendre qu'il s'était complètement remis du suicide de Lindsay. Il avait encore vaguement honte de cette relation si soudaine mais il évitait soigneusement d'y penser, préférant de loin se concentrer sur Daniel et ce qu'il avait raté au cours de ces quelques mois, notamment ce qui était arrivé chez ses sœurs et, par extension, chez leurs enfants. Lydia et Aiden avaient paru en forme, la première fois qu'il les avait revu, aussi ne s'était-il pas trop attardé sur la question. D'autant plus qu'il avait dû gérer la présence de toutes ses frangines et aussi adorables et prévenantes étaient-elles, elles demandaient énormément d'énergie. Presqu'autant que lorsqu'ils étaient enfants, ce qui remontait pas mal maintenant. Mais les semaines passant, Neal n'avait pu s'empêcher de noter que certaines de ses questions étaient évitées, esquivées. Il n'avait pas insisté, il n'insistait jamais. S'ils avaient besoin de lui, Lydia ou Aiden comme le reste de leur famille, ils savaient tous très bien qu'il était prêt à aider, même si ça signifiait seulement prêter une oreille attentive. Alors lorsqu'Aiden avait évoqué la possibilité qu'ils déjeunent ensemble, Neal s'était empressé de fixer une date.

Et voilà qu'il était en retard à présent ! Billie étant occupée aujourd'hui et Rachel prise par son travail, il avait décidé de faire appel aux services d'une babysitter, laquelle avait manifestement mal compris l'heure à laquelle elle devait arriver. Neal ne s'était pas privé de lui faire savoir sa manière de penser après lui avoir fait faire le tour du penthouse et donner les infos les plus élémentaires. Elle avait rougi, s'était encore une fois répandue en excuses avant qu'il ne parte pour Greenwich Village. Le Pastis était un petit bistrot qu'il avait découvert avec Lindsay quelques années en arrière et il retournait, depuis, une à deux fois par mois. L'endroit lui était donc apparu tout de suite lorsqu'ils avaient parlé de ce déjeuner, avec Aiden. « Pardon pour le retard, problème de babysitter » dit-il une fois que l'une des serveuses l'ait conduit jusqu'à la table où se trouvait son neveu. C'était encore un peu étrange de s'entendre expliquer pareille situation, pour un homme de son âge, mais il se faisait doucement à la paternité. « Tu as déjà commandé ? Ils font une très bonne soupe, au pistou il me semble » Neal n'était pas vraiment du genre à tourner autour du pot mais il détestait forcer qui que ce soit à dire quoi que ce soit, encore moins s'il s'agissait d'un membre de sa famille. Aiden en arriverait à ce qui le tracassait lorsqu'il le désirerait, Neal n'était pas là pour lui tirer les vers du nez.

En toute honnêteté, Aiden avait l'air plutôt en forme. Pas tout à fait aussi souriant qu'il avait déjà pu le voir mais plutôt en forme. Peut-être Neal s'était-il fait des idées. Il se plaisait à s'imaginer plutôt perceptif mais la crainte qu'il n'arrive malheur à Daniel s'était peut-être muée en une légère paranoïa. Après tout, il avait toujours eu tendance à analyser chaque petit détail qui attirait son attention, alors peut-être que ce n'était rien au final. Juste une mauvaise impression idiote. Son neveu était peut-être simplement un peu fatigué ou la pression au boulot se faisait-elle sentir aussi. Il y avait des centaines d'explications qui ne nécessitaient pas forcément qu'il s’épanche autour d'un déjeuner mais même si c'était le cas, Neal ne regrettait pas cette invitation. Il y avait longtemps qu'ils ne s'étaient pas retrouvés tous les deux. Ça leur donnerait l'occasion de rattraper un peu ce temps perdu au cours de l'année dernière.

Le romancier prit donc place, déboutonnant sa veste au passage et s'empara du menu qu'il connaissait presque par cœur. « Tu sais, tu aurai pu emmener Daniel avec toi, ça ne m'aurait pas dérangé » lui dit Aiden lorsqu'il évoqua rapidement les soucis occasionnés par le manque d'expérience de sa babysitter. Neal haussa les épaules avec un sourire. « J'y ai pensé mais il est fort probable que mon éditeur tente de m'enlever si je ne vais pas le voir cet après-midi et je doute qu'il supporte les enfants » D'autant plus qu'il devait déjà materné un régiment d'auteurs pas toujours très matures. Neal en avait déjà rencontré quelques uns et étonnamment, la plupart était bien plus âgés que lui mais bien plus turbulents qu'il ne l'avait été dans ses jeunes années. Inutile d'imposer la dynamique présence de Daniel à un homme déjà bien occupé, aussi adorable fût Daniel. Neal avait parfois du mal à comprendre où son fils tirait sa bonne humeur constante. Même Rachel, pourtant très souriante et très énergique depuis son plus jeune âge, n'avait pas été un bébé si agréable à vivre. Ou peut-être était-ce, là aussi, juste une impression. Redécouvrir les joies de la paternité à son âge avait quelque chose d'irréel mais il profitait de chaque instant.

Le nez dans le menu, Neal s'attarda une seconde sur la soupe au pistou et ne manqua pas d'en parler à son jeune neveu, en habitué du Pastis. « Je te remercie du conseil mais je crois que je vais plutôt prendre un canard à l'orange, même si je doute qu'il soit meilleur qu'en France » répondit Aiden. Son oncle approuva d'un hochement de tête. Il n'était manifestement pas le seul à fréquenter le bistrot. « Alors comment vas tu ? Je pensais te voir au ranch à thanksgiving » Ah, oui. Thanksgiving. Neal ne put retenir un sourire amusé au souvenir du sermon que lui avait servi Rachel sur la famille et l'importance des traditions lorsqu'il lui avait dit qu'il resterait à New York. « Je sais et à en croire ma fille et ta mère aussi d'ailleurs, j'aurais sans doute mieux fait d'y aller mais je n'ai pas voulu imposer deux réunions de famille à Billie en si peu de temps » Ils avaient été en terrain neutre la première fois mais un Thanksgiving dans sa famille était bien différent d'un simple dîner chez lui. C'était bruyant, convivial certes mais épuisant aussi et cette fois, il n'aurait pas été capable de la sauver des centaines de questions dont l'auraient certainement asticotée ses sœurs. « Mais ça va. New York m'avait vraiment manqué » L'agitation perpétuelle surtout. Il avait passé un an à ne se préoccuper que de son fils et de la manière la plus saine qui soit de mettre le suicide de Lindsay derrière lui, ce qui avait été émotionnellement prenant mais cette sensation de ne pas avoir une minute à soi, de courir ici et là pour telle ou telle raison, ça lui avait vraiment manqué. « Et toi alors ? reprit-il, avec l'air le plus détaché qui soit. Tu m'as paru un peu... ailleurs l'autre soir. Tu as des problèmes au boulot ? » Il avait beau être son oncle, il ne lui appartenait pas de présumer sur son couple et jamais, ô grand jamais il n'aurait évoqué cette possibilité-là. Après tout, ne disait-on pas "ne fait pas aux autres ce que tu ne veux pas qu'on te fasse" ? Et Neal avait toujours détesté qu'on mette le nez dans ses problèmes de couple. Si c'était le cas, le choix d'en parler ou non était celui d'Aiden. Ça ne regardait que lui.

« Alors ça y est tu t’es enfin décidé à revoir ton éditeur, j’espère trouver le premier exemplaire de ton livre sous mon sapin, à noël » Il y avait au moins quelqu’un que ça réjouissait. Neal réprima son envie de grimacer, ne partageant pas vraiment l’enthousiasme de son neveu. Il savait très bien qu’il aurait du mal à faire accepter son dernier roman auprès de son éditeur. Ses ennuis avec la police avaient grandement emmerdé la maison d’édition qui avait plus ou moins laissé entendre qu’elle l’aurait lâché s’il s’était avéré coupable de ce dont on l’accusait. Il ne les blâmait pas mais l’aspect très autobiographique de certains éléments allait faire remonter ces mauvais souvenirs auprès des responsables de publication, sans parler de sa famille. Il n’en avait pas encore parlé à Rachel mais il faudrait qu’il se décide à le faire si le premier manuscrit était bien reçu auprès de son éditeur. Il ne changerait rien, il resterait sur ses positions mais c’était un combat qui s’annonçait déjà difficile. Mais ce n’était pas le moment de parler de ça. Neal n’avait jamais eu vraiment l’habitude de parler de ses livres avec ses proches ou en tout cas, pas du contenu. Étrange quand on savait que sa famille avait généralement l’habitude d’avoir des exemplaires en avant-première. Il restait bizarrement pudique sur ses sources d’inspiration et ses personnages.

Il y avait un petit moment, d’ailleurs, qu’il n’avait pas eu le plaisir de revoir sa famille au grand complet. Il avait rarement manqué les traditionnelles retrouvailles de Thanksgiving au ranch mais avec Billie dans la balance et sa première rencontre avec ses soeurs qui remontaient à peu, Neal avait préféré ne pas y aller cette année. Son absence avait probablement été très remarquée. « Maman était un peu déçue, confirma Aiden, elle aurait aimé voir Daniel aussi mais c’est compréhensible » C’était plus ou moins ce que lui avait dit sa soeur, ce qui amena un sourire sur le visage de Neal. Il avait de la chance d’avoir une famille qui le soutenait autant et il s’en rendait compte dans ce genre de petits moments, anodins et banals. C’était à son tour, toutefois, de soutenir Aiden et il le sentait bien. Il avait remarqué l’expression inhabituelle qu’avait affiché son neveu en expliquant que sa femme ne pouvait pas venir, le soir où toute la famille avait finalement rencontré Billie. Quelque chose clochait mais s’il ne désirait pas en parler, Neal ne comptait pas insister. Aiden avait plus ou moins évoqué l’éventualité de quitter sa femme au cours des semaines précédentes, décision qu’il paraissait avoir réellement pris lorsqu’il lui en avait parlé la dernière fois. Il avait alors paru soulagé, bien loin de l’homme perturbé qu’il avait maintenant en face de lui. « Tu te souviens il y a quelques semaines je t’avais dit que j’avais pris la décision de quitter Savy, commença son neveu et Neal hocha la tête, et bien… » Il était évident que cette décision n’était plus aussi définitive qu’il ne l’avait pensé, devant la difficulté qu’avait Aiden à s’exprimer. « Il s’avère qu’elle est enceinte » dit finalement le jeune homme, les yeux dans les siens. Oh. Un enfant. Neal ne put s’empêcher de hausser les sourcils. Il lui avait semblé évident que le mariage de son neveu était arrivé à sa fin et voilà que sa femme était enceinte ? « Dans la foulée j’ai envoyé un message à Nora pour lui dire que tout était terminé... » ajouta Aiden sans chercher à masquer son désarroi. Même s’ils n’en avaient jamais parlé clairement, Neal avait plus ou moins compris que son jeune neveu avait trouvé le bonheur avec une autre femme que celle qu’il avait épousé. Il n’approuvait pas spécialement cette situation, ayant lui-même souffert des infidélités de Lindsay, mais qui était-il pour juger Aiden et son couple ? Il ne connaissait que très peu Savannah après tout. L’arrivée de leur serveur, calepin et stylo en main, prêt à leur commande, lui accorda un instant de réflexion. « Je mentirais si je te disais que ça ne me surprend pas, répondit Neal après le départ du serveur, et à t’entendre, tu ne t’y attendais pas toi non plus » L’éventualité que la femme d’Aiden ait plus ou moins provoqué cette grossesse lui traversa soudain l’esprit mais il résista à l’envie d’en parler. Ce n’était pas vraiment une chose qu’on dit, même en pareille situation. « Tu sais, reprit-il, décidé à choisir ses mots avec soin, un enfant ne résoudra pas vos problèmes. Au contraire » Autrefois, il se serait senti très mal de dire une chose pareille mais après avoir vécu une situation assez similaire avec sa défunte épouse, Neal avait appris certaines choses. Notamment qu’être un bon père n’implique pas nécessairement de se forcer à être un bon mari lorsqu’on ne peut plus feindre le bonheur conjugal. « Ce que je vais te dire va te paraître horrible et ce n’est que mon avis mais je ne pense pas que tu aies besoin d’être avec ta femme pour élever correctement cet enfant. Si cette grossesse sauve votre mariage, ma foi, tant mieux mais si ça n’est pas le cas… pardon, je m’avance un peu trop, s’excusa-t-il, réalisant qu’il avait tout un discours déjà prêt alors qu’Aiden ne lui avait pas dit le principal, vous en avez déjà parlé ? Est-ce que tu veux de cet enfant au moins ? » Étant lui-même père, Neal avait bien sûr imaginé que son neveu et sa femme avaient décidé de garder ce bébé qui arrivait si soudainement mais les choses pouvaient en être tout autrement et là encore, il n’avait pas à juger. Ce n’était pas sa vie, ni sa décision.

C’était marcher sur des oeufs que de conseiller quiconque sur son mariage, Neal le savait. Après tout, ses deux mariages n’avaient pas franchement été idylliques et il n’avait pas pour habitude de se mêler de la vie d’autrui, même des membres de sa famille. Surtout, en fait, de celle des membres de sa famille. S’aimer, s’entraider ne signifiait pas mettre son nez là où on ne devait pas. Ses frangines avaient fini par le comprendre, avec le temps et même si ça partait d’une bonne intention, il avait toujours détesté leurs questions indiscrètes et leurs allusions peu subtiles, au début de sa relation avec Jodie puis avec Lindsay. Ça ne les regardait pas et aujourd’hui, il avait un peu l’impression d’être à leur place, de s’intéresser à quelque chose qui ne le concernait pas. Et remettre en doute le bonheur que représentait l’arrivée d’un enfant ? Ce n’était pas très fin. « Bien sûr… être père est la plus belle chose qui me soit arrivée depuis… Nora » expliqua Aiden. Neal lui adressa un regard inquiet. Il avait été longtemps convaincu qu’il suffirait d’un rien pour mettre vraiment un terme au mariage de son neveu. De toute évidence, sa maîtresse le rendait infiniment plus heureux que sa femme et pour l’avoir vu aux côtés de Savannah plus d’une fois ces dernières années, Neal pensait être en mesure d’affirmer qu’un divorce les aurait soulagé tous les deux. « Alors selon toi, je devrais quitter Savy alors qu’elle est enceinte ? » Voilà, c’était précisément ce qu’il voulait éviter. Ce n’était pas une décision qu’il devait influencer, de quelque manière que ce soit. D’autant plus que cette question lui donnait l’impression d’être le pire des salauds. Qui quitterait son épouse enceinte, même avec l’intention de l’aider à élever l’enfant ? Il voyait déjà de là la réaction de la mère d’Aiden. Ils avaient grandi avec des valeurs, un esprit traditionnel. Le divorce n’entrait pas dans la ligne de conduite qu’on leur avait inculqué, enfant. Sa séparation avec Jodie avait déjà été très mal vue par ses soeurs et ses parents, à l’époque et pourtant c’était la seule solution. Alors si Aiden décidait, finalement, de quitter sa femme, il n’avait pas fini d’en entendre parler. « A ma place, qu’est-ce que tu ferais toi ? » insista son neveu, visiblement perdu. Neal laissa échapper un sourire. Voilà typiquement le genre de situations qu’il préférait éviter. « Je ne peux pas décider à ta place Aiden, dit-il d’une voix douce, la même que celle qu’il utilisait lorsque Rachel désirait qu’on lui explique quelque chose de compliqué, lorsqu’elle était enfant. Je n’aurais même pas dû te donner mon avis, c’est… je comprends que tu sois perdu et que tu aies besoin de conseil mais je ne sais pas si je suis la personne qu’il faut. Je… » Et s’il n’avait pas le choix ? Aiden n’en avait peut-être parlé à personne d’autre et par expérience personnelle, Neal savait que la mère du jeune homme n’était sans doute pas l’oreille la plus compréhensive qui soit, sur ce plan-là en tout cas. « Savannah est au courant pour Nora ? » S’il était venu le trouver pour lui parler de tout ça, c’est qu’il y avait une bonne raison et même si Neal refusait de dire quoi que ce soit qui pourrait l’influencer, il pouvait peut-être l’aider. C'est à ça que servait la famille après tout, se soutenir en temps de crise.

Il comprenait aisément à présent pourquoi Aiden avait paru si tendu la dernière fois qu’ils s’étaient croisés. Cette situation était loin d’être idéale et si Neal n’était pas certain de pouvoir comprendre tout à fait ce qu’il vivait, il se souvenait suffisamment de son propre désarroi lorsque Lindsay lui avait annoncé sa grossesse dans le même temps que ses infidélités pour pouvoir écouter et compatir. Il n’avait, certes, pas eu d’aventure lorsque sa femme était tombée enceinte et il aimait trop son fils pour souhaiter que les choses se soient passées différemment mais il était indéniable que cette nouvelle était arrivée à un très mauvais moment. C’était manifestement le cas pour Aiden. « J'allais lui dire le soir ou … le soir ou j'allais la quitter pour Nora mais c'est là qu'elle m'a avoué qu'elle était enceinte … pff parfait timing » soupira son neveu, tandis que leur commande arrivait. Neal remercia le serveur d’un signe de tête puis reporta son attention sur le jeune homme qui lui faisait face. Parfois, il lui semblait que c’était hier encore qu’ils lui sautaient au cou, sa soeur et lui, lorsqu’il passait les voir à l’époque où il allait à la fac. Presque vingt ans s’étaient écoulés depuis et la vie était nettement plus compliquée. « Tu te rends compte, elle m'a même caché qu'elle ne prenait plus la pilule, si j'avais su, j'aurai évité … fin tu sais quoi » Il paraissait gêné, ce qui était parfaitement compréhensible mais Neal ne put retenir un bref sourire. Il retrouvait cette expression mal à l’aise qui avait tordu les traits de Rachel lorsqu’il avait dû lui servir le sex talk tant redouté. « Du coup je suis complètement perdu, d'un côté je suis fou amoureux de Nora mais de l'autre … il y a Savy et le bébé » conclut-il, clairement perdu. Neal hocha la tête, compréhensif. Même dit comme ça, ça ne semblait pas simple et pourtant Dieu sait combien les situations les plus difficiles paraissaient bêtes une fois énoncées à voix haute. « Bien, écoute, commença-t-il après une profonde inspiration et un léger détour par son assiette, je ne peux pas prendre de décision à ta place mais tu vas être père et il faut donc que tu penses à ce bébé. Est-ce que tu veux qu’il grandisse en voyant ses parents malheureux ? » Neal osait à peine imaginer les dommages que ça pourrait causer. « Je te connais Aiden, je ne t’ai pas élevé mais je t’imagine mal passer les dix-huit prochaines années, voire plus, avec une femme que tu n’aimes plus » Il accompagna sa remarque d’un demi-sourire, se remémorant le garçon qu’il avait autrefois trimballé d’un bout à l’autre du vaste jardin du ranch familial sur son dos. « Quitter Savannah ne fera pas nécessairement de toi un mauvais père. Mais s’il y a une chance, même infime, pour que vous puissiez être heureux tous les deux… je ne sais pas, ton mariage n’est peut-être pas perdu, tu ne crois pas ? Cette grossesse pourrait vous rapprocher, comme vous faire prendre conscience que c’est terminé » Il n’était pas convaincu de ça mais après tout, il ne connaissait pas l’histoire dans son intégralité.