♂♀ Just get me a really big closet

how could you be so heartless
maybe we were meant to be lonely, lonely
maybe we were meant to be on our own
loneliness has always been with me, with me
but maybe we don't have to be all alone

C'est le jour, le grand jour, son jour. Un sourire radieux étire les lèvres de Kay, elle est heureuse, si heureuse. Elle respire la joie, elle transpire le bonheur. C'est le jour de son mariage, le moment qu'elle attend impatiemment depuis plusieurs mois. La veille encore, elle avait du mal à réaliser, mais maintenant, à quelques minutes du début de la cérémonie, plantée dans sa robe blanche éblouissante, tout lui parait réel. Réel et à sa place. Pas de seconde pensée, pas d'hésitation, juste l'anticipation, l'excitation qui lui tord l'estomac.
Pour l'occasion, elle a vu les choses en grand et a fait privatiser une petite partie de Central Park. Juste au bord de l'un des lacs se dresse fièrement une arche fleurie sous laquelle elle est impatiente de prononcer ses vœux et qui fait face aux nombreuses chaises drapées de blanc que les invités ont presque toutes remplies. Plus que quelques minutes maintenant.
Serrant fermement son bouquet dans une main, elle triture quelque peu de l'autre le collier de perles qui enserre son cou : l'objet vieux et emprunté de sa tenue, il appartient à sa mère. Kay sait que d'une minute à l'autre, il va venir se positionner sous l'arche, à l'autre bout du long tapis qui ne les séparera alors plus que le temps de la marche qu'elle fera fièrement au bras de son père, comme le veut la tradition.
Pourtant, les minutes s'écoulent et il ne se présente toujours pas. Un petit rire nerveux échappe à la jeune femme alors qu'elle devine les invités qui commencent à se poser des questions, à lui lancer des regards en coin. Elle sait ce qu'ils se disent, mais non, ce n'est pas possible. Elle sait qu'il va venir, il ne lui ferait pas ça, il l'aime ! Mais les secondes continuent de s'enfuir et toujours personne.
Elle entend à peine, quand son témoin s'approche et bafouille pitoyablement. Il ne viendra pas, il est désolé. C'est tout, juste comme ça, rien de plus. Elle n'entend pas beaucoup plus tous ses proches se précipiter vers elle, elle ne les voit pas vraiment non plus avec ses yeux embrumés de larmes. Elle ne distincte plus grand chose alors que, sans un mot, elle fait doucement volte face, tournant le dos à tout et tout le monde. Elle sent vaguement, aussi, sa bague de fiançailles surmontée d'un saphir (l'objet bleu) qu'elle laisse tomber au sol alors qu'elle commence doucement à s'éloigner. Elle se met à marcher, sans but, loin d'ici. Elle se met à errer dans sa symbolique robe blanche (l'objet neuf), l'esprit anesthésié. C'est le vide dans sa tête, quelque part elle ne réalise pas complètement, pas encore.
Dans quelques heures, quand l'information aura fait son chemin, ce sera l'effervescence à l'intérieur. Un mélange informe d'émotions contradictoires, une explosion de douleur, d'incompréhension, de fierté blessée. Un cri déchirant qu'elle ne s'autorisera qu'une seule fois, le temps de tout déverser, de pleurer tout son saoul. Après ça, elle jouera le mutisme sur la question et enfouira le tout. Comme si il n'avait jamais existé.
Si seulement c'était aussi simple.